En Poméranie
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En Poméranie Orientale

     Je dispose de peu de documents sur cette période car les lettres envoyées d'Allemagne par mon père et que ma mère conservait précieusement dans une pochette de satin brodée tout spécialement ont été pillées par les 'amis' de mon frère qui fréquentaient la droguerie à la fin des années soixante-dix. De mémoire je pense qu'elles avoisinaient la cinquantaine : je ne les avais pas lues et n'ai pas eu la présence d'esprit ni l'envie de les récupérer tant que ma mère vivait. Ce sont donc des éléments épars et quelques recherches qui me permettent d'apporter les éléments qui suivent. Heureusement les caricatures, peintures et dessins effectués par mon père pendant sa captivité étaient conservés chez mes parents et ont été préservés. Nous en présentons quelques-uns sur ces pages.

        Transportés par train en wagon à bestiaux et/ou par marches forcées les soldats non gradés furent logés dans des camps nommés en abrégé 'Stalag' par les Allemands. Il semble que mon père en ait connu trois, tous dans la région de Stettin ou dans la partie nord de l'Allemagne hitlérienne. La carte suivante extraite de l'ouvrage : La Captivité, Histoire des prisonniers de guerre français 1939-1945, ed. F.N.C.P.G.-C.A.T.M., 1982, situe ces camps 

 

     Il s'agit pour mon père des Stalag II B (Hammerstein), II C (Greifswald) et II D (Stargard et son annexe Sielsko = Silligsdorf). Comme les dessins et lettres étaient vérifiés par le service de contrôle du camp, ce sont les cachets des camps qui m'ont permis cette localisation. De plus une dizaine de lettres adressées par ma mère à sa cousine durant cette période complètent ces chétives informations et je remercie mon cousin Philippe Monart de les avoir archivées et prêtées en consultation. J'insiste un peu, en tant qu'historien peut-être, sur cette période car je m'aperçois qu'elle est assez mal documentée dans les familles et bien évidemment elle eût, en son temps, un impact considérable parmi la population : 1,8 millions de prisonniers. Du peu dont je dispose et par mémoire des histoires rapportées oralement par mon père, le plus souvent en présence d'amis de captivité (en particulier Gustave Strehl de Belfort et Germain Blondel de Bolbec), il apparaît que la situation des prisonniers sur place -certes toujours déplorable- était des plus variables en fonction du lieu de travail et des conditions d'accueil et de nourriture. Les 'Gefangs' étaient rarement présents dans les camps (5 à 10% seulement) mais affectés à des 'Kommandos' répartis tout alentour. Certains civils allemands se sont montrés aimables et attentifs aux prisonniers français ; la condition de vie dans les fermes fut souvent meilleure que celle dans les grandes usines métallurgiques ou les chantiers de construction et réfection de routes.

            Ainsi j'apprends par les lettres de Renée Boureux à sa cousine Andrée, échelonnées entre mai 1940 et octobre 1941 que :

     - en septembre 40 Louis est affecté (stalag II B, Hammerstein) et manque de nourriture.

     - le 8.12.40 il est affecté au travail des routes au stalag II D (Stargard) et dispose de 500 g. de pain, 50 g. de      charcuterie ou beurre par jour ainsi qu'un peu de bière et de tabac. Il écrit penser être de retour pour 1946 ou 1949....        

     - en février 41 il est en repos pour cause de gel trop violent et demande un envoi de pâtes pour le dimanche ; il souhaite également l'envoi de livres. Renée lui envoie un colis de 5 kg le 28 février.

     - fin mai 41 il travaille 11 heures par jour et est parfois employé comme peintre ce qu'il préfère à son emploi de terrassier.

     - le 21 septembre 1941 il est ouvrier agricole et a maigri de 6 kg ; il en reste 75. Il a touché une couverture et un édredon en plumes pour l'hiver. Son frère Jean, également prisonnier, croit pouvoir rentrer bientôt en échange de prisonniers russes...

     C'est peu d'informations mais mieux que rien ! Une rare lettre de Renée à Louis, écrite de Pierrefonds le 9 novembre 44 m'apprend que la situation s'est fortement dégradée pour Louis : il manque cruellement de nourriture au stalag II C de Greifswald.

    Lorsqu'il a quelque tranquillité, le dimanche, il apprend l'allemand dans la méthode 'Assimil', lit et peint ou dessine. Parfois cela lui permet d'améliorer l'ordinaire alimentaire car il lui est arrivé de peindre pour les civils. Il a envoyé à sa femme de nombreuses caricatures faites dans les camps, quelques petits tableaux peints à l'huile sur contre-plaqué et curieusement ces objets sont tous passés avec visa officiel, seuls les dessins représentants des scènes de groupes étaient refusés. Il a publié dans les années cinquante quelques anecdotes de sa vie en stalag dans une revue consacrée aux prisonniers. Les pages qui suivent font état de l'essentiel de ses travaux d'alors, entre nécessité vitale et plaisir de faire. Ses amis rapportaient que même avec les civils allemands il était facétieux mais jamais méchant et une seule fois il a eu affaire à un garde très dangereux qui l'a menacé de son pistolet sur la tempe.